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L’ORGANISATION JUDICIAIRE FRANCAISE[1]

Très peu de créateurs connaissent les caractéristiques de l’organisation judiciaire française et très peu savent quelles sont les procédures à respecter pour introduire une action devant les différentes juridictions.

Partant du principe qu’un « mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », nous ne tenterons pas de transformer les chefs d’entreprise en juristes, nous nous contenterons, beaucoup plus modestement, de leur apporter quelques informations sommaires sur un domaine qui leur fait peur avant tout parce qu’ils en ignorent le mode de fonctionnement.

Dans notre pays coexistent trois types de juridictions : des juridictions civiles, des juridictions pénales et des juridictions administratives.

 
Les juridictions civiles

Elles connaissent des procès entre particuliers et parfois aussi entre les particuliers et les administrations : tel est le cas des accidents provoqués par des véhicules appartenant à l’une de ces administrations.

La victime d’un dommage a cependant intérêt, dans certaines circonstances, à porter son action devant les juridictions pénales en se constituant partie civile.

Les différentes juridictions civiles

. Le tribunal de grande instance

Composé d’un président et de deux juges, parfois d’un juge unique, il constitue la juridiction de droit commun et il est compétent pour les actions au-delà de 10 000 €.

Chaque fois qu’un texte n’a pas prévu une compétence spéciale, le litige doit être porté devant le tribunal de grande instance.

Ce dernier est également compétent d’une manière exclusive pour certains types d’affaires, et notamment pour celles qui touchent aux droits réels immobiliers, à l’état des personnes (divorces par exemple) ou au redressement des entreprises agricoles en difficulté.

. Le tribunal d’instance et le juge de proximité

Le tribunal d’instance est composé d’un seul magistrat et, à la différence du tribunal de grande instance, sa compétence est précisée par loi. Il connaît, en matière civile, de toutes actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort jusqu’à la valeur de 4 000 € et, à charge d’appel, jusqu’à la valeur de 10 000 €[2]. En outre, le tribunal d’instance est compétent dans de nombreux cas qui sont précisés par la loi, notamment en matière de baux d’habitation et de crédit à la consommation.

Le juge de proximité est compétent en premier et dernier ressort pour les créances professionnelles et non professionnelles inférieures à 4 000 €. Il n’est pas compétent pour les baux ruraux et le crédit à la consommation.

. Le tribunal de commerce

Il est composé de juges non professionnels élus (commerçants, banquiers…). En l’absence de tribunal de commerce c’est le tribunal de grande instance qui doit être saisi.

Les tribunaux de commerce connaissent essentiellement des litiges entre commerçants[3] portant sur des actes de commerce et ceux relatifs aux lettres de change ou aux procédures collectives concernant les commerçants.

. Le conseil de prud’hommes

Sa composition est paritaire : deux membres sur quatre sont élus par les employeurs, deux par les salariés.

En cas de désaccord entre eux, l’affaire est renvoyée à une nouvelle audience, dite de départage, sous la présidence du juge d’instance qui fait office de juge départiteur.  

Le conseil de prud’hommes est compétent pour les litiges individuels du droit du travail. En dernier ressort, sa compétence est limitée à 4 000 €. Au-delà de ce montant le jugement est susceptible d’appel.

. Le tribunal paritaire des baux ruraux

Il a été créé au siège de chaque tribunal d’instance. Ce tribunal paritaire, composé de bailleurs et de locataires, est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux, contestations relatives à l’application des titres Ier à V du livre VI du Code rural. Le tribunal statue en premier et dernier recours jusqu’à 4 000 €.

. Le référé

Le référé n’est pas une juridiction propre. Il s’agit d’une institution qui permet au président de chacune des juridictions précitées de pouvoir ordonner certaines mesures d’urgence. Par ailleurs, une réforme qui remonte à 1973 a institué le référé-provision grâce auquel le demandeur peut obtenir du juge des référés une provision chaque fois que l’obligation du défendeur n’est pas sérieusement contestable.

Il s’agit là d’un progrès essentiel dans la vie judiciaire, tant il est vrai que, grâce à ce procédé, on peut régler très rapidement (dans la pratique en quelques semaines) tout ou partie de certains différends.
 Les règles de compétence

En règle générale, le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Il existe cependant des cas de compétence optionnelle :

– pour un délit ou un quasi-délit, l’option concerne le lieu de la demeure du défendeur et le lieu du fait dommageable, par exemple celui de l’accident,
– en matière contractuelle, la demeure du défendeur et le lieu d’exécution du contrat.

En matière prud’homale, des règles particulières viennent modifier le régime général de la compétence, en fonction, parfois, du lieu de travail et, parfois aussi, du domicile du salarié.

Les voies de recours

En principe, la décision de chacune des juridictions précédemment évoquées peut faire l’objet d’un appel porté devant la cour d’appel. Il n’y est fait exception que pour certaines affaires d’un montant inférieur à un taux minime fixé par décret (actuellement 4 000 €)

Toutefois, en matière prud’homale et pour limiter les appels, le taux de ressort de 4 000 € est appliqué à chaque chef de demande. Si, par exemple, un salarié sollicite 2 600 € de salaire, 2 600 € d’indemnité de congés payés et 2 600 € d’indemnité de préavis, le jugement ne peut être frappé d’appel.  

Lorsque l’appel n’est pas recevable, il est cependant toujours possible de porter l’affaire directement devant la Cour de cassation.

. La Cour de cassation

La Cour de cassation ne constitue pas un troisième degré de juridiction car elle contrôle les décisions qui lui sont soumises sans rechercher les faits. Sauf en certaines matières, le pourvoi en cassation n’a pas de caractère suspensif et l’exécution peu donc se réaliser.
 

Les juridictions pénales

Les juridictions pénales englobent le tribunal de police, le tribunal correctionnel, la cour d’assises ainsi que le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs. La répartition des compétences entre ces juridictions est déterminée par la qualification de l’infraction.
Les différentes juridictions pénales

. Le tribunal de police

Compétent pour les contraventions, il est composé, comme le tribunal d’instance, d’un seul magistrat. Le ministère public est représenté, selon le type de contravention, par le commissaire de police ou par le procureur de la République, dans la pratique par un de ses substituts.

. Le tribunal correctionnel

Il s’agit là d’une formation pénale du tribunal de grande instance. Il est composé de trois magistrats : un président et deux juges et, pour certains types d’affaires, d’un juge unique.

Il est compétent pour les délits, c’est-à-dire les infractions que la loi punit d’une peine de plus de deux mois d’emprisonnement et/ou d’une amende.

Le ministère public est représenté par le procureur de la République ou l’un de ses substituts.   

Les affaires complexes font l’objet d’une information préalable, conduite par un juge d’instruction dont les ordonnances peuvent être frappées d’appel devant la chambre d’accusation.

. La cour d’assises

C’est une juridiction départementale située généralement au chef-lieu et qui se réunit une fois par trimestre.

C’est également une juridiction hétérogène formée de neuf jurés et de trois magistrats. Les jurés sont de simples citoyens français désignés par tirage au sort. Le président est un conseiller de cour d’appel et les deux assesseurs sont des juges de tribunal de grande instance du ressort de la cour d’assises. Le ministère public est représenté par un avocat général.

 

Les voies de recours

Les jugements du tribunal correctionnel sont susceptibles d’appel devant la cour d’appel. Il en est de même pour ceux du tribunal de police, sous réserve toutefois de certaines décisions concernant les affaires dont le taux est très modeste.

L’arrêt de la cour d’appel peut faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

Il est possible de faire appel des arrêts de la cour d’assises. La Cour de cassation désigne alors une cour d’assises d’appel pour procéder au réexamen de l’affaire.
 Les droits de la victime

La victime d’une infraction peut intervenir de plusieurs manières différentes.

• Elle peut déposer plainte entre les mains du procureur de la République, mais ce dernier est seul maître de la poursuite en fonction des principes de légalité et d’opportunité. En d’autres termes, la plainte n’apporte pas la certitude d’une suite effective ni celle d’un effet juridique.

• La plainte avec constitution de partie civile a, au contraire, pour effet d’entraîner l’action du ministère public. Les frais doivent le plus souvent être avancés par la victime.

• Celle-ci peut encore agir par voie d’intervention en greffant son action sur une action déjà introduite, et cela en intervenant devant le juge d’instruction ou à l’audience.

• Enfin, la victime peut se porter partie civile par lettre recommandée avec AR lorsque l’affaire n’excède pas le plafond de compétence de droit commun des tribunaux d’instance en matière civile.

 

Les juridictions administratives

Elles sont constituées de magistrats professionnels et connaissent des procès dans lesquels une ou plusieurs parties sont des personnes publiques : État, collectivités locales.

Les tribunaux administratifs jugent au premier degré, alors que le Conseil d’État juge en appel ou en cassation des tribunaux administratifs, lorsqu’il ne juge pas lui-même en premier et dernier ressort. 

Le juge de droit commun est représenté par le tribunal administratif dont les décisions peuvent être portées en appel devant une cour administrative ou directement devant le Conseil d’État. Ce dernier est donc, selon les cas, juge de première instance, d’appel ou de cassation.
 

[1] Les développements de ce chapitre ont largement bénéficié des observations et conseils de Me Sari, Me Jean-Claude Woog et Me Stéphane Woog, avocats à la cour, maîtres de conférences d’HEC-Entrepreneurs et co-auteurs de Pratique professionnelle de l’avocat, LITEC, 4e édition, 2001, de Stratégie contentieuse du créancier, Dalloz, 2e édition, 2006 et de Devenir Avocat, Litec, 3e édition, 2008.

[2] Chiffres de 2011.

[3] Auxquels sont assimilées les sociétés commerciales.